Journal de Nyx

« Nyx ? »
« Oui, Ethan ? »

Je regarde le jeune homme à coté de moi. Légèrement plus grand, je suis jalouse de ses yeux verts et de ses cheveux bruns. Sa peau, un peu mât, prouve que lui a accès au soleil sous sa forme humaine. Alors que moi, je suis cantonnée à l’obscurité, en permanence. Ne pas s’exposer. Ne jamais montrer de la peau nue aux rayons assassins du soleil, au risque de subir de lourdes représailles.

« Que vas-tu faire, une fois que tu deviendras l’alpha ? »
« Je ne sais pas trop. Comme mes parents, j’imagine. »

Nous vivons en marge de la société. Toute une meute, loin des préoccupations de ceux qui se complaisent dans leur apparence humaine. Nous faisons parti d’une organisation appelée Millenium, l’Âge d’Or. Une organisation qui possède de vastes territoires en Europe et où ceux qui préfèrent vivre sous leur forme animale peuvent séjourner en toute paix. Aucun conflit n’est toléré dans l’enceinte du Millenium. Nous y veillons tous. Mais les meutes sont là, et nous gérons le gibier. Lorsque deux meutes se croisent, au lieu d’attaques et menaces, c’est un moment de convivialité, où des membres des deux meutes peuvent choisir d’en changer. Il n’y a aucun crime. Millenium est un paradis. Je me nomme Nyx Tombétoile. Toute ma meute possède des tatouages en rapport avec les étoiles, et bien que nos noms diffèrent et que nous choisissons nous même nos noms de famille à la majorité, il y a toujours un rapport avec les étoiles. Ainsi, une petite a choisie le nom de Sywen Cendrelune. Nos noms sont mélodieux, comme nos hurlements quand nous chantons en cœur.

« Quoi que tu choisisses, tu sais que je te suivrais. »
« Merci, Ethan. »

Je le regarde se changer en loup et disparaître, dans les fourrés. Son odeur reste cependant en suspend dans l’air et j’en suis presque rassurée. Je suis désormais seule. Je change de forme également, retrouvant l’aspect d’une louve immaculée. Je me couche à même le sol, méditant à ma nouvelle situation.
Mes parents, dirigeants de la meute jusqu’à présent ont décidé que j’allais devoir partir, fonder une nouvelle meute. C’est un cas très rare mais possible. Généralement, les futurs alphas, en accédant au pouvoir prennent le contrôle de l’ancienne meute. Mais je suis différente. Je ne suis pas pareille que les autres, ne serait-ce que physiquement. Et je sais que je ne suis pas la seule. Mes parents veulent que ma différence soit une force. Mais n’est-ce pas une forme d’exil de la meute, en parallèle ? Il me reste une semaine pour partir. Je serais alors seule, bien qu’Ethan m’accompagnera sûrement. Les alphas doivent être forts, autant sous forme d’humain que sous forme de loup. Je ne le suis qu’à moitié. Ma forme humaine me fait défaut. Mes parents misent sur ça pour que je puisse créer une nouvelle meute. Apporter du changement. Récupérer les marginaux parmi les marginaux. Fonder une meute que rien n’entravera jamais, à la loyauté indéfectible. Mais tout cela me semble bien dur. Il sera bien assez tôt pour que je parte.

Un dernier regard en arrière. J’observe la meute qui me rejette à présent. Ethan est présent, à mes cotés. Le loup brun s’ébroue, et attend patiemment que je fasse les premiers pas vers notre futur. Il a décidé de partir avec moi. Je lui suis reconnaissante. Je me sentirais mieux en n’étant pas seule. Je détourne finalement le regard et il vient fourrer son museau sous ma tête, en signe de soutien. Je ne réagis pas, volontairement. Et finalement, je fais mes premiers pas, tandis qu’il se détache de moi, adoptant un petit trot. Soudain, derrière, j’entends la voix de ma mère. Un hurlement d’au revoir, ou d’adieu, nous ne savons pas trop. Ni elle, ni moi. Les autres, mon ancienne meute, se joint bientôt à elle. Seul mon père n’hurle pas, je ne distingue pas sa voix. Je ne me retourne pas mais je jette un coup d’œil à Ethan. Une tête de retrait derrière moi, il me suit docilement. Je ne peux m’empêcher de le regarder un peu plus longtemps, du coin de l’œil. C’est un combattant né. Si moi-même j’ai la chance d’être trapue et d’avoir grandi dans le but de devenir alpha, lui est né pour être un protecteur. Un de ceux qui mettent à terre n’importe lequel des prédateurs présents dans l’enceinte du Millénium. Capable de tuer à lui tout seul un jeune cerf. Qu’il m’ait suivit est une bonne chose, la chasse sera plus aisée. Nous suivons un sentier étroit et il se place derrière moi, me laissant passer devant. Je ne sais pas exactement où nous allons, mais loin de mes parents. Très loin. Je compte nous trouver un endroit où s’installer et où notre meute pourra s’épanouir.

Lorsqu’enfin vient le soir, c’est lui qui m’arrête. Voyager de nuit n’est pas des plus futé, par ici. Et Millenium est grand. Notre monde est bâti sur l’idée des différentes espèces. Certaines personnes ne peuvent pas s’accommoder d’une vie humaine, car la partie animale est bien trop forte chez eux. Je fais partie de ces gens là. Millenium est une organisation mondiale, et bien que chaque pays verse de l’argent pour sa sauvegarde, elle ne possède pas de gouvernement. Il y a bien des assemblées, de temps à autre, en cas de force majeure, où les alphas se présentent pour débattre des points sensibles. Mais cela fait bien longtemps qu’aucune assemblée ne s’est réunie. Simplement car nous ne craignons rien. Dans Millenium, il n’y a pas simplement les loups. Il nous arrive de croiser d’autres espèces, mi homme mi animales. Mais c’est plutôt rare, car même si ce n’est pas obligatoire nous vivons séparés des autres. Je n’ai encore jamais rencontré d’autres espèces. Simplement des loups. Et je compte bien aller jusqu’à la frontière jusqu’où vivent les loups. Barrière invisible, obstacle moral. Là bas, nous y serons bien.
Je sais que si un jour ma vie ne me convient plus, j’ai la possibilité de rejoindre le monde des humains. Des ponts ont été fait, et des groupements peuvent nous apprendre à vivre dans ce nouveau monde. Des choses simples, mais qui peuvent paraître énormes. Avoir des qualifications, trouver un travail, apprendre à contrôler nos pulsions et aller faire des courses au supermarché. Tout cela me semble bien inutile. La vie sauvage me convient parfaitement. Courir, chasser, vivre sans penser au lendemain… Une vie bien agréable. Qui a pourtant ses obligations. Un recensement est fait tout les 5 ans pour savoir combien nous sommes. Nous ne sommes pas pucés comme de vulgaires chiens, et heureusement. Nous nous présentons spontanément à l’entrée du Millenium, durant la semaine qui nous est accordée, signer de la paperasse et donner une goutte de sang. Des choses nous sont bien sûr demandées, en plus de ce recensement. Donner un peu de notre sang, tous les ans. Parfois, une meute est appelée à réguler une population d’une autre espèce non humaine hors du Millenium. Les plus jeunes doivent passer deux ans de leur vie à l’extérieur du Millenium pour découvrir à quoi ressemble la vie humaine, et ainsi choisir laquelle ils préfèrent. Généralement, ils reviennent au nid. Mais il arrive que parfois certains restent dans le monde humain. Ils ne peuvent alors plus avoir contact avec leur famille. Bien que cela semble dur, cela évite qu’il y ai trop d’allées et venues au sein du Millenium. Millenium d’ailleurs constituées de 3 portes gigantesques qui régulent les allers retours. Personne n’a l’idée d’aller à l’encontre de cela. Comme je vous l’ai dit, au sein du Millenium, toutes les règles sont respectées sans exceptions.